PRESENTATION

La démarche artistique

Quand j’ai commencé à faire des couteaux, en 1988, mon métier de mécanicien de précision m'a beaucoup aidé à me lancer dans la fabrication. En effet, j’avais déjà des bases qui me permettaient de surmonter les problèmes techniques que je rencontrais au fil de mes premières expériences ; et j’ai donc beaucoup appris sur le tas en improvisant à ma manière. J’avais par exemple choisi d’assembler le couteau sur soie plutôt que sur plate semelle, pour des raisons de solidité d’une part et parce que l’esthétique du manche me semblait dépréciée par l’intrusion de l’acier en son milieu, de plus la sensation de froid procurée par le contact du métal dans la main me gênait.
Mais ce choix n’était pas celui de la facilité, et j’ai dû faire preuve d’inventivité pour les questions de collages, et d’assemblages. Comme autre exemple j’ai voulu, par perfectionnisme, esthétique et solidité une fois encore, ajuster la garde sur la lame et non pas combler le vide de l’ajustement par de la soudure. Ainsi je progressais à mon rythme dans la fabrication de mes premiers couteaux droits. Mais à mesure que j’avançais sur le plan technique, une qualité indispensable d’un fabriquant de couteaux ; Ce que j’avais volontairement mis de côté au départ, me rattrapait inexorablement et se faisait des plus urgent : il me fallait un style personnel, une ligne pour mes couteaux.
Quand j’ai pris conscience de cela, un temps je me suis arrêté de produire, et je me suis consacré totalement au dessin. Les esquisses que je produisais, je les soumettais à la critique ; de ma femme et de mes proches, et on essayait avec un regard le plus neutre possible de trouver un design qui m’identifierait.
En effet, il était évident que ceux qui avaient réussi ; les grands que j’admirais comme Bob Loveless, Ron Lake ou encore Michael Walker, avaient créé un style qui avait réussi à s’imposer. Je voulais qu’on puisse dire au premier coup d’œil, en voyant un de mes couteaux, « ça c’est un Bennica ». La tâche s’avérait ardue, car le couteau custom avait déjà largement été exploré, et je prétendais moins révolutionner le design du couteau que simplement me l’approprier. Pour avancer je me fixai les idées.

A l’époque, comme aujourd’hui d’ailleurs, je tenais à garder en mémoire la place originelle du couteau : au creux de la main et pas seulement dans une vitrine de collection. J’ai voulu une ligne dans cet esprit parce que le couteau est avant tout un outil ; du simple utilisateur qui tranche un matériau ou un aliment, jusqu’au chasseur qui dépèce une bête. Il doit servir à tous.
J’ai cherché une forme ergonomique pour une prise agréable et ferme comme une main qu’on serre. Cela m’a amené tout d’abord à envisager un manche tout en volume, épais et rond ; sur lequel la main aurait une emprise aussi forte que confortable. De plus, et pour que le couteau soit ancré avec sûreté à l’utilisateur, j’ai voulu un talon qui, à l’image d’une garde, retienne la main sur le manche.
Tel a été mon cheminement à l’époque ; même s’il est vrai qu’actuellement mes couteaux sont bien moins considérés par leurs acquéreurs comme des outils que des objets de collection. Dans cette veine s’est taillée ma ligne, ce qui m’identifie vraiment dans le monde actuel du couteau custom ; tant et si bien qu’aujourd’hui un nouveau challenge s’impose à moi, à contre courant en quelque sorte : dessiner un autre « Bennica », qui se ferait une place à côté de cette première inspiration, qui me colle plus que jamais à la peau 25 ans après...

Ainsi, mes couteaux droits étaient à l’époque traités avec beaucoup de soin (et le sont toujours !). Pour développer le côté custom, j’ai commencé à réaliser des ajustements de matériaux dans le manche ainsi scindé en deux parties. Cependant, je n’évoluais pas beaucoup dans ma pratique à travers de tels projets, et ainsi j’ai assez vite trouvé mes limites dans le domaine du couteau droit.tels Il me fallait donc trouver un défi à ma portée : technique évidemment.


Le Pliant


Sur le marché il était un type de couteau qui était fortement valorisé dans l’art de la coutellerie pure, c’était celui du couteau pliant. C’était un défi stimulant, qui me permettrait d’innover tout en mettant vraiment à profit mes compétences. Pour me lancer, je me suis d’abord fixé des contraintes esthétiques: conserver totalement le design de mes couteaux droits et y intégrer de la manière la plus originale et discrète possible le principe de la fermeture à pompe.
Je choisis ce type de fermeture car il était techniquement plus sophistiqué que le cran forcé ou même le liner lock, par ailleurs il assurait une sécurité optimale. Le domaine du système à pompe avait déjà été largement exploré par mes confrères et prédécesseurs, aussi pour commencer cette entreprise je me suis d’abord plongé dans la littérature. J’ai notamment étudié en détail l’ouvrage de Ron Lake, une référence en la matière.
J’ai voulu éviter de tomber dans le piège de la réplique, et en ce sens il me semblait une mauvaise idée de démonter un couteau pliant pour chercher à le refaire pièce par pièce. Je voulais comprendre l’essence de cette mécanique. Les différents leviers qui permettent de jouer sur la souplesse d’ouverture, la tonicité de la fermeture, l’onctuosité du glissement de la lame, le timbre du claquement de la lame qui entre en butée... Tout ce qui faisait la poésie de la lame pliée, je voulais pouvoir composer à ma manière. J’ai lu, j’ai digéré le tout, j’ai fait des dessins de mécanisme, j’ai superposé mon couteau droit, j’ai adapté le mécanisme, je l’ai contraint à épouser ma ligne, j’ai fait des prototypes mécaniques, j’ai relu, j’ai digéré les échecs, et peu à peu au fil de ces itinérances, j’ai façonné ce pliant-là, qui a vu le jour pour le salon de Thiers 1992.
Ce travail m’a apporté beaucoup de satisfactions, en dépit des innombrables heures qu’il m’a coûtées. Il m’a permis de mettre en valeur pleinement mon goût pour la mécanique de précision. Je crois avoir réussi mon pari de produire un pliant qui ait une ligne aussi pure qu’un droit, car il n’est pas rare dans un salon, de voir un visiteur rechercher en vain le moyen de refermer le couteau qu’il vient juste d’ouvrir, tellement le bouton qui actionne la fermeture de la lame est intégré à la forme même du couteau : c’est le talon entier qui glisse vers le bas pour libérer la lame et non pas un bouton en excroissance.
Ce couteau a rencontré un franc succès et est devenu pour ainsi dire ma marque de fabrique. C’est aujourd’hui le modèle que je vends le plus. Mais à l’époque malgré ce pas en avant considérable que je venais de faire, il me restait encore une longue route sur le chemin exigeant de la finition.


Apprendre


En effet, malgré tous mes efforts, je n’arrivais pas à trouver pleine satisfaction du côté de l’émouture de mes lames. Parfois encore asymétriques, je passais des heures avant d’obtenir le degré de finition souhaité et produisais encore parfois des ratés ; il me semblait que je n’avais pas de méthode assez définie et efficace.
Par ailleurs, un problème majeur sur lequel je butais était le polissage de l’acier que je trouvais insuffisant en dépit de tous mes efforts pour parfaire ce point et obtenir la perfection du poli miroir. Je trouvais mes limites en tant qu’autodidacte, et je me rendis compte qu’au point où j’en étais, je ne pourrais plus avancer bien loin tout seul.
Il me fallait trouver un maître, un coutelier chevronné qui voudrait bien m’enseigner son art. J’ai cherché en vain à glaner au détour des rencontres, parmi mes confrères français, quelques conseils ; mais ça n’était pas suffisant, ou alors je n’ai pas su entendre, et parfois aussi on n’a pas voulu donner. Dans un élan d’audace, et parce que ça devenait une nécessité absolue, je me suis alors tourné vers celui qui me sidérait le plus quand à ses finitions, notamment au niveau de ses émoutures irréprochables.

C’est à Steve Johnson, célèbre parmi les célèbres, lui-même un élève de « l’école Loveless », à qui j’ai demandé de m'accueillir pour approfondir ma pratique. Celui-ci a d’abord examiné mon travail avant de se prononcer, a déclaré très humblement qu’il avait peu de choses à m’apprendre, mais il a accepté de me recevoir. Cette rencontre fut des plus enrichissantes, et me fit faire un bond en avant considérable dans le domaine de la finition et de la rapidité d’exécution des émoutures. Plus tard en 1996, je refaisais une expérience similaire, avec mon ami Dietmar Kressler, qui me permit d’approfondir encore les finitions tout en gagnant en rapidité d’exécution.
Je tiens ici à rendre hommage à la générosité de ces couteliers qui acceptèrent de partager leur savoir en toute simplicité et de façon totalement désintéressée ; ce geste qu’ils firent a compté beaucoup pour moi, et plus tard je n’ai pas hésité à en faire autant pour d’autres lorsque le moment est venu.

Enseigner

Il m’a parfois été reproché de ne pas laisser une part suffisante à la transmission du savoir. Notamment lorsque j’ai participé au prix Bettencourt sur l’intelligence de la main ou encore lorsque j’ai songé à passer le concours de meilleur ouvrier de France. Il est vrai que je ne prends pas d’apprentis en formation initiale. Peut-être n’ai-je pas les compétences car je n’en ai tout simplement jamais vraiment eu l’envie.
Pourtant au cours de ma carrière nombreux furent les échanges de compétences avec mes confrères, et j’ai accepté volontiers d’être un levier pour certains quand ils m’ont sollicité. Par exemple, pour la technique de couteaux pliants, j’ai accueillis de nombreux couteliers désireux de développer leur art dans ce domaine.
En vrac je peux citer Francesco Pachi, Antoninio fugarizzu, Gaëtan Beauchan, Charles Roulin, Scott Slobodian, Emmanuel Esposito, Jean Paul Tysseire, Max Salice et Jean Noël Buatois. J’ai aussi accueilli d’autres couteliers pour leur montrer mes méthodes répondant à des contraintes techniques diverses, encore une fois en vrac Michel Blum, Alexandre Musso, jean Paul Sire, Paul Gonzales, Jean Pierre Suchera, Daniel Valy, Gérard Doursin.
Enfin j’ai eu l’honneur d’accueillir dans mon atelier, Bob Terzuola, Ron Lake, Howard Hitshmount et d’échanger avec eux nos point de vue sur la fabrication des couteaux.


Le Liner


La technique de fabrication classique et répandue du liner ne me satisfaisait pas. Pour pallier au fonctionnement aléatoire de ce système, j’ai créé une pièce indépendante (linguet) que j’ai fixé sur la platine par une petite queue d’aronde.
Ce qui me permet de la tremper pour lui donner la dureté et l’élasticité que je désire tout en permettant de l'ajuster contre l’embase de la lame avec précision. Ce qui assure une grande fiabilité du système qui ne souffrira pas les années et ne nécessitera d’aucun réajustage.
Mais malgré tout le soin que j’ai apporté pour améliorer la fiabilité de ce système liner lock, ce couteau n’a pas rencontré un succès comparable à mon lock-back. Peut-être parce qu’un Bennica ce n’est pas un liner lock, et les clients ne viennent pas chercher cela chez moi. Peut-être qu’un Bennica, ce n’est pas autre chose que cette ligne à talon recourbé.
Peut-être qu’une marque de fabrique, ce qu’on recherche ardemment à ses débuts, c’est ce qui nous enferme et ne nous quitte plus. Cependant je travaille ardemment sur un projet de nouveau pliant, de système mécanique innovant fiable robuste sur une ligne nouvelle.


L’interframe


Sur le manche des couteaux pliants, je fais un interframe qui peut se diviser en deux ou en plusieurs inlays pour laisser libre cours à mon envie ou à celle de mes clients.
L’interframe permet d’emprisonner la matière et assure davantage de rigidité et de tenue dans le temps. Là encore, mon métier de mécanicien m’aide beaucoup puisque j’utilise le pantographe pour faire des créations toujours plus exigeantes dans la maîtrise et l’exploitation de cette machine. Je recherche des lignes voluptueuses multiples et en tangences, ce qui constitue sur le plan technique bien souvent des prouesses tant exaltantes que chronophages. Le jeu des interframes de mes couteaux pliants, laisse la possibilité de donner libre champ à la gravure. Lors de mon premier salon à New York en 1996, j’ai fait graver un couteau par Manrico Torcoli.
Je voulais montrer la culture européenne par une pièce d’exception et pour me démarquer du style américain. J’ai renouvelé l’expérience avec d’autres graveurs dont Firmo Fracassi qui est reconnu pour être le graveur du siècle. J’ai collaboré avec Pedersoli, Stoltz et Galeazzi, j’ai aussi travaillé avec Aldo Rizzini, dont j’ai apprécié le travail et qui est devenu un ami.


La Technique


J’ai toujours attaché une grande importance à la constante qualité de mes productions. J'ai dans mon atelier des machines traditionnelles : tour, fraiseuse, pantographe, perceuse, Backstand, un four pour le traitement thermique et beaucoup de limes et de papiers abrasifs. Perfectionniste, je pousse très loin les tolérances, et pendant toute la fabrication, je contrôle les pièces pour qu’elles répondent à des critères stricts en termes de dimensions, finitions et dureté.
C’est ce travail rigoureux qui garantit un jeu minimum entre les différentes pièces une fois le couteau assemblé. Mes recherches constantes m’ont amené à améliorer sans cesse le procédé de fabrication et même le mécanisme en lui-même.
En effet, depuis quelques années j’ai introduit un système tout à fait personnel de butées à billes qui donne une douceur inégalée au maniement de la lame et supprime totalement le « jeu » entre la lame et le corps du couteau, qui fait l’objet de tant d’attention chez les couteliers et les collectionneurs. De couteaux en couteaux, le design s’est un peu modifié, l’épaisseur du manche amoindrie, le couteau à rejoint une tendance générale qui pense le couteau en deux dimensions.
Peut-être parce que celui-ci se regarde d’abord et surtout de profil, et que ce point de vue est vraiment mis en valeur quand, posé sur la table, le couteau est plat ; mais aussi parce qu’un couteau bien plat est plus commode à transporter dans la poche d’un pantalon. J’ai revisité le couteau intégral en amenant une petite nouveauté : un interframe dans le manche.
Ce couteau dont la ligne simple semble facile, est en réalité une pièce très complexe à fabriquer. Pour fabriquer ce couteau une barre d’acier RWL34 de 1,200kg est nécessaire. Après maintes opérations de fraisage et de mise en forme va naître un couteau de 200gr.


Présentation


A ce point de mon récit, je dois vous présenter quelqu’un : Chantal, ma femme. Elle qui depuis le début de cette aventure m’a toujours soutenue et encouragée et qui a accepté d’endosser le rôle de secrétaire multiservices.
Chantal prépare les salons, les voyages, répond à vos emails, fait vivre le site internet, va à la banque, à la poste...Elle réalise les étuis des couteaux, a crée le design des étuis pour les pliants et aussi les boites de présentation, tout cela entièrement à la main. Chantal a aussi appris l’Anglais lorsque nous avons décidés d’aller aux USA. Elle s’est mise à la photo et dernièrement s’est essayé à la création de dessin pour les interframes de mes pliants.
L’Atoll en est le premier exemple et rencontre un franc succès, d’autres sont en cours de réalisations. Comme elle aime souvent résumer ses activités en trois mots: Charly fait les couteaux et moi le reste...


Materiaux et ornements


Pour les aciers, de nombreux essais m'ont permis de retenir le RWL 34 fritté pour les lames et l’acier inox 416 pour les manches. Pour le damas, j'entretiens de bonnes relations avec des forgerons talentueux de par le monde et en France auxquels je fais souvent appel pour mes lames.
Je sais que je peux compter sur le sérieux de Hanck Knickmeyer (USA), et Claude Shosseler pour la France. Dans cette même ligne d’exigence au point de vue de la fiabilité et de la longévité du couteau, je me suis peu à peu écarté du bois et des ivoires pour aller vers des matériaux beaucoup plus stable thermiquement comme la pierre, le corail et la nacre. Le Corail est un matériau d’exception, il est très difficile de s’en procurer de très haute qualité.
J’ai développé beaucoup d’efforts en ce sens, en Corse puis en Italie. C’est à Tore del Greco, près de Naples, que j’ai rencontré Vittorio Liverino qui m’a proposé et aidé à choisir du corail de toute première qualité. J’ai trouvé aussi un grand intérêt dans les pierres semi-précieuses, bien plus simple à se procurer, et qui offrent tellement plus de gammes chromatiques et picturales.
Je me suis donc converti peu à peu à cet art pour lequel j’ai beaucoup investi pour m’équiper, car le travail de la pierre est très spécifique et se prête peu à l’improvisation. En effet il relève dans la phase essentielle de polissage plus de la chimie que de l’usinage. Encore une fois, je n’ai pas hésité à solliciter des confrères pour partager leur savoir.

Waren Osborne m’a accueilli lors d’un stage pour une première formation, et Scott Sawby m’a gratifié de multiples conseils judicieux lors de divers échanges.
Je tiens aussi à donner une note spéciale à mes amis Valérie et Allen Elishewitz, qui m’ont aidé de nombreuses fois et je salue Allen qui est un grand technicien, amoureux comme moi, de la belle mécanique. Je prends beaucoup de plaisir avec ces matériaux nouveaux et suis actuellement un des rares européens à les proposer sur mes couteaux.


La démarche commerciale


Faire des couteaux est une chose, les vendre et entrer dans le monde du couteau de collection en est une autre. Ce monde, au tout début de ma carrière, je ne le voyais qu’à travers des reportages dans des revues dédiées comme la Passion des Couteaux ; qui rapportaient des évènements majeurs de la coutellerie, en France et aux USA tels que le SICAC de Paris ou le knifemakers guild show d’Orlando.
Il y avait aussi des articles au sujet de couteliers célèbres en France, tels que Pierre Reverdy, Michel Blum ou Henri Viallon ; et je découvris que l’un d’eux n’habitait pas loin de chez moi.
C’est ainsi que je contactai Michel Blum ; je voulais lui montrer ce que je faisais, je voulais en quelque sorte qu’un coutelier chevronné juge mon travail. A cette époque je n’avais pas confiance en moi, et c’est Michel qui m’a réellement donné l’impulsion pour démarrer dans le monde du couteau.
Il m’a encouragé, m’a conforté dans mon travail, et m’a poussé à participer à une première exposition : le SICAC de Paris en 1990. Je tiens par ailleurs à rendre hommage à ce coutelier, dont j’admirais la grande valeur artistique ; et je constate aujourd’hui en observant les productions de confrères dans le monde entier, qu’il a été l’initiateur de tout un courant esthétique qui a été reproduit et développé.


Les salons


De salon en salon, le monde du couteau s’est ouvert à nous, et par le contact de couteliers venant de tous horizons, nous avons touché du doigt combien il étendait ses frontières par-delà l’hexagone. Le couteau custom était né aux USA, et un marché phénoménal y existait alors qu’en France on assistait seulement à la naissance d’un mouvement.
Avec la création du SICAC de Paris, vint le salon de Thiers, capitale du couteau ; et puis d’autres villes voulurent impulser une dynamique comme Cannes ou Aix en Provence.
Mais le premier souffle passé, l’enthousiasme autour du couteau de collection semblait déjà s’émousser, et le marché européen ne semblait pas promis à un avenir aussi brillant qu’outre atlantique. Etant de plus en plus déterminé à m’engager dans le monde de la coutellerie et à quitter ma profession initiale pour vivre du couteau, j’ai peu à peu compris qu’il me faudrait viser le marché le plus large et le plus porteur possible. J’étais plutôt anxieux et soucieux que cette nouvelle entreprise réussisse.
Aussi j’ai voulu saisir toutes les opportunités me permettant de toucher une clientèle plus large. J’ai donc cherché à me faire une place aux USA. Au début, cette entreprise paraissait très difficile, ne serait-ce qu’à cause de la barrière de la langue, nous qui n’avions pas du tout étudié l’anglais à l’école.
Je tiens à saluer ma femme Chantal qui s’engagea dans cette entreprise avec enthousiasme dès le début et montra un courage et une persévérance sans laquelle toute cette aventure aux USA n’aurait certainement pas été possible. Pour entrer sur ce marché, une étape déterminante, une porte inévitable, de l’avis de confrères français y ayant déjà un pied était l’adhésion à la guilde des fabricants de couteau, la Knifemakers Guild. L’entrée à la Guilde suivait un protocole et il fallait faire examiner son travail par trois membres qui appuieraient votre candidature auprès d’un comité.
J’ai demandé à Ron Lake, Michael Walker et Bob Terzuola de parrainer ma démarche d’adhésion à la guilde. Ayant participé à plusieurs salons internationaux comme le SICAC de Paris ou l’Exa de Brescia, je les avais rencontrés à maintes reprises et nous nous sommes lié d’amitiés à force de nous croiser et de partager nos points de vue sur le couteau.
J’ai été touché et flatté qu’ils acceptent. En 1996, j’ai définitivement cessé mon activité dans l’industrie de la mécanique de précision, cette année-là fut celle de mon entrée à la Knifemakers Guilde qui se tenait à Las Vegas. Par ailleurs, Gaëtan Beauchamp, un ami et confrère canadien m’a conseillé de participer à L’ECCKS de New York cette même année.

C’est en 1997 que se créa le premier Milan knife show. Je fus invité et participais avec plaisir à ce salon. En effet ma langue maternelle étant l’italien, le dialogue fut facile avec les collectionneurs transalpins qui sont de véritables passionnés du couteau. J’ai développé de belles amitiés et de belles associations de travaux dans ce pays. Ces trois salons furent une réussite, et m’encourageaient à renouveler les expériences. Je fus fidèle au show de la Guilde jusqu’en 2000, et suis retourné à celui de New York chaque année jusqu’à aujourd’hui.
Je continue encore à exposer mes pièces sur le salon de Milan. Le marché des USA a été très porteur pour moi et est devenu peu à peu mon terrain de prédilection, beaucoup de collectionneurs apprécient mes couteaux et je travaille régulièrement avec des revendeurs qui, par leur site internet, me font connaître dans le monde entier. L’accueil s’est étendu, et en 1998, je fus sollicité par Dave Harvey pour participer à son salon dans la petite ville de Solvang en Californie.
Il devenait urgent de faire le bon choix des salons car aux Etats-Unis existe une multitude d’exhibitions de ce genre. J’abandonnais la Guilde Show, trop gigantesque et pas adapté à mon calendrier (trop proche du SICAC de Paris). Dés lors je me concentrais pour donner le meilleur de moi-même aux cinq salons internationaux sur lesquels j’exposais mes couteaux : Paris (SICAC), Milan knife show, Salon de Thiers, New York (ECCKS), Solvang knife show.


L’AKI


Enfin, il se trama peu à peu, et à mesure qu’une certaine notoriété se développa aux USA autour de mes couteaux, que je serais senti pour être le prochain sur la liste très fermée des couteliers participant à l’AKI (Art Knife Invitationnal) show de San Diego organisé par l’américain Phil Lobred. Rappelons l’historique de ce salon unique au monde.
L’Aki est une association des 25 meilleurs couteliers de la planète qui invite 200 grands collectionneurs du monde pour participer à cette journée d’exception. Cette manifestation se tient tous les deux ans en octobre. Tous ces collectionneurs sont sélectionnés et invités à assister à ce salon reconnu dans le milieu comme étant le plus réputé.
Chaque couteau est vendu par tirage au sort ou aux enchères. Lorsque un coutelier se retire du groupe, le nouveau prétendant, après avoir présenté à chacun sa candidature, est élu à la majorité par les 24 couteliers restant. Voici plusieurs années j’avais fait la démarche pour adhérer à ce prestigieux groupe.
Cela n’a pas été possible dans un premier temps car l’un deux avait décidé de revenir après un un temps d’arrêt. A ma surprise, car je n’y pensais plus, en janvier 2012, j’ai été contacté par Ron Lake pour renouveler ma demande.
Ce que je fis par une lettre et des photos envoyées à tous les membres couteliers. En Mars 2012, à New York sur le salon ECCKS, Phil Lobred est venu m’annoncer mon élection à l’AKI. En octobre 2013 je serais donc exposant sur ce fabuleux salon.
Pour moi c’est un grand honneur d’y participer et c’est surtout la reconnaissance de mon travail par mes pairs. J’espère y présenter de belles pièces, en tout cas c’est un beau challenge comme je les aime. Car c’est bien là le but de ce salon ; la compétition crée avec ce groupe est une excellente motivation pour innover et concevoir des couteaux d’exceptions.



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